THIODET/SENAUD. Peinture Berlin. Entretiens

Robin THIODET est artiste peintre et mauvais esprit, instinctif et réfléchi, abstrait et narratif, venu des beaux arts et de la philo. Ces conversations avec Franck Senaud reviennent sur ce qu'il sait ou ne sait pas/plus. C'est vivant et passionnant.

 

Que raconte Berlin à un jeune peintre des années 80 ?

Octobre 2016



 

FS :

 

Ville jamais visité, connaissance par films, fantasmes visuels, nous avons tout à fait le profil pour converser sur Berlin.

 

Que t'évoque ce nom ?

 

 

 

RT :

 

Oui sauf que je l'ai visitée il y a une dizaine d'années mais j'ai peu de souvenirs. Je pense que c'était déjà trop tard. Berlin j'en rêvais quand j'étais aux Beaux-Arts. C'étaient les années 80 avant la fin du mur.

 

 

 

FS :

 

De quoi Berlin faisait rêver?

 

 

 

RT :

 

Disons plutôt que je voulais voir: curiosité pour la ville du mur, du blocus, les squats punks, les occupations militaires, la grisaille des photos , la tristesse des murs lépreux de l'Est, les meilleurs disques de Bowie, D.A.F., etc. et les témoignages de ceux qui y étaient passés... des étudiants des Beaux-Arts... 

 

Mais rien de précis

 

 

 

FS :

 

Rien de précis avait-il une image ?

 

D'où venait elle ?

 

 

 

RT :

 

Eh bien. Je connaissait que les images d'actu avant Les ailes du désir. Mais ça c'était plus tard

 

 

 

FS :

 

de la peinture ?

 

 

 

RT :

 

Faut comprendre qu'aux Beaux-Arts de Paris dans les années 80, on ignorait encore superbement l'Allemagne. Mais on voyait des choses dans Art Press. Sinon l'Allemagne se réduisait à Saint Joseph Beuys.

 

 

FS :

 

Pourquoi ignorait?

 

 

 

RT :

 

En fait, je ne sais pas. On ne parlait pas de l'Allemagne, sinon un peu de Beuys donc, mais sans plus. Les artistes allemands je les ai connu par la presse. J'avais flashé sur Baselitz. On me disait que le coup de retourner le tableau,  c’était un peu niaisou mais moi je trouvais ça génial.  Et puis il y a eu ce grand mur à la Biennale de Paris, curieuse Biennale qui n'a eu lieu qu'une Fois. Ça m'a mis une claque. C’était le meilleur truc de toute l'expo

 

Et puis j'ai vu des repros des types de Berlin qu'on appelait ' les Nouveaux Fauves' Salomé,  Rainer Fetting, Luciano Castelli...

 

 

FS :

 

De quel grand mur parles-tu ?

 

 

 

RT :

 

C'était tout un ensemble de grandes toiles format figure qui a finalement été accroché au musée d'art contemporain de Bonn. Mais tout ça ne nous rapproche pas tellement de Berlin...

 

Elles étaient carrées d'ailleurs.

 

FS :

 

J'ai comme l'impression que Berlin comme référence artistique est floue, imprécise mais présente pourtant.  Un fantôme?

 

 

RT :

 

Disons que pour moi ce sont les cabarets: Kurt Weil, Dietrich, le Lou Reed de transformer... Et en peinture les cabarets de Emil Nolde

 

Je n'ai jamais aimé Otto Dix,  j'ai par contre beaucoup aimé Raoul Haussman. 
Sinon, dans les années 80, il y avait bien l'expressionnisme gay de Rainer Fetting, Salomé, Luciano Castelli...

 

Mais tu vois , c'est curieux. La création , c'était pas tellement à Berlin qu'elle avait lieu mais plutôt autour de l'école de Düsseldorf, de Beuys et de ses élèves qui étaient retournés à la peinture et pourtant quand j'ai visité l'Allemagne j'ai trouvé que Berlin y était le seul endroit respirable.

 

 

 

FS :

 

Pourquoi respirable ?

 

 

 

RT :

 

Pourquoi Bonn, Cologne, Cassel m'ont parues irrespirable? Parce qu'elles puaient  la petites bourgeoisie proprette toute empreinte de satisfaction de soi et de discipline consentie - à croire que le succès de ces clichés tient à leur vérité. 

 

 

FS :

 

Je reviens à ce que tu savais ou non de l'Allemagne aux beaux arts; les entretiens avec les artistes partis vivre à  Berlin révèlent un intérêt là bas pour la peinture que Paris ignorait totalement.
Tu parles, toi de la claque Baselitz.
Dis moi quels sont ces années, ce qui s'aimait aux beaux arts et si, lorsque tu deviens peintre dans ce contexte si des allemands sont là?

 

 

 

RT :

 

Tu sais que la phobie de la peinture n'a atteint que le microcosme parisien. À mon avis tout ça s'explique par le traumatisme de la naturalisation de Marcel Duchamp. Ils ne s'en sont jamais remis. Ils feraient mieux de déplorer le refus intransigeant et répété de l'état français à débouter Picasso de sa demande de naturalisation française.

En Allemagne,  l'Histoire a pris un autre cours. Tous les élèves de Beuys ont continué la peinture. Ils se sont re-approprié l'expressionnisme et en fin de compte, ça les a sauvés.


Aux Beaux-Arts il y avait quelques élèves allemands mais tout de même très peu. Je pense que l'après-guerre ne s'est achevée qu'en 89.

Mais, hors de l'institution nous nous intéressions à cette génération comme à un écho lointain de la Figuration Libre.

 

 

 

FS :

 

Passionnant.  Quel rapport tu fais entre figuration libre française et peinture allemande?  Lequel à commencé?

 

A SUIVRE