La Dame du lac et un rhinocéros


En procédant à l’excavation du lac de Courcouronnes (bassin de retenu d’eaux pluviales) un nombre impressionnant d’énormes roches, dont nous ne savions que faire, ont été extraites. Fontainebleau et ses rochers n’étaient pas loin et nous avons émis l’hypothèse qu’en les empilant judicieusement on pouvait créer un site d’escalade. Nous avons pensé qu’en faisant appel à un sculpteur on pouvait faire œuvre d’art au milieu d’un site singulier ; nous sommes allé voir un sculpteur qui habitait l’Essonne et qui était connu par son travail au chalumeau dans des blocs de Granit. Szekely, grand charmeur, comme beaucoup d’artistes, nous a séduit. Il nous a dit qu’il ne pouvait travailler les pierres concernées au chalumeau mais que concevoir un lieu d’escalade l’intéressait.

Notre directeur adjoint, jeune inspecteur des finances, pratiquait l’alpinisme de haut niveau et était très ami avec un conseiller au Ministère de la jeunesse et des sports qui s’était singularisé dans une expédition de l’Annapurna. Ce dernier s’intéressera très rapidement à ce site potentiel pour initier les jeunes à l’escalade.

C’est ainsi que l’amas de cailloux, sans utilité, fut enfoui dans le relief artificiel des franges du lac et que fut conçu une sculpture en béton brut sous l’autorité technique de l’alpiniste qui ordonna prises et couloirs.

Ce sera je crois le premier mur d’escalade réalisé en France. Le sculpteur Szekely était connu du Ministère de la Culture qui participa au financement. Le Ministère de la jeunesse et des sports fera de même et notre inspecteur finances en charges du Budget de l’Epevry saura dégager le solde nécessaire.

Le maire de Courcouronnes créera l’association sportive pour en maitriser l’usage.

Mission accomplie. La suite, d’autres pourront la raconter.

Pourquoi le nom de « Dame du lac », c’est le nom donné par le sculpteur à son œuvre.

Le Préfet de l’Essonne avait attiré l’attention de notre Directeur Michel Colot sur un sculpteur habitant le Coudray Monceau chez qui il avait passé quelques soirées sympathiques. Ce sculpteur était fasciné par la plastic du rhinocéros, en faisait de toutes les tailles. Il en avait fabriqué un énorme dans le fond de son petit jardin, il lui servait d’atelier . Notre directeur qui aimait bien vivre et qui comme le préfet partageait une attirance certaine pour les artistes (sortes de bouffons des rois) s’était enthousiasmé pour le rhinocéros en m’emmena le voir pour réfléchir ensemble où nous pourrions en mettre un dans la ville. L’artiste était talentueux et toutes ses études sur les rhinocéros passionnantes. Il fut décidé de mettre l’animal sur le point haut du parc des loges. Sa silhouette se détacherait dans le ciel comme celle des taureaux publicitaires sur les routes d’Espagne. Notre Directeur, passionné, faisait son affaire du financement, ne demandait rien à personne. Il s’assura de l’accord des élus qui acceptèrent du bout des lèvres ce qu’ils considéraient comme une « folie » de notre directeur. Un contrat fut passé avec le sculpteur qui commença les travaux en mai, et avant de partir en vacances, on pouvait voir la silhouette du rhinocéros qui devait être livré à la rentré.

Vers le vingt Aout la presse nationale annonçait «  l’explosion d’un rhinocéros à Evry »

Le rhinocéros avait, en effet, été dynamité en pleine nuit et réduit en milles morceaux. Il n’y eu aucune revendication sur cet attentat si ce n’est celle d’une destruction symbolique de ce qui pouvait symboliser un char israélien ? L’enquête de police n’apportera aucune explication. On dira que l’artiste peu satisfait de son œuvre l’aurait dynamité lui-même ? Une affaire d’assurance ou de gros sous ? L’artiste fut très modestement indemnisé autant que je m’en souvienne. La reconstruction du rhinocéros ne fut pas envisagée.


 

Michel MOTTEZ a dirigé l'Epevry lors de la construction de la ville nouvelle.