"Genre et Super Pouvoirs – Les femmes dans les cultures manga et comics"


Le 26 novembre dernier, lors d’une conférence organisée par les Ateliers d’arts plastiques d’Evry, Sylvain Rimbault et Marion Coville interrogent la place des femmes dans l’univers des super-héros.


Le simple listage des super-héroïnes impose un constat numéraire : il y en a moins que de super-héros. 

Est-ce parce que les auteurs de comics sont des hommes ( Stan Lee, Frank Miller, Bob Kane…) qui s’adressent au petit garçon qui est en eux ou parce que l’univers des super-héros n’échappe pas aux au règles du monde réel, que la fiction ne sort pas des à priori ?

N’est-ce pas aussi parce que l’univers des super-héros n’est pas un univers de supra-héros (supra : « en haut », « au-dessus », « supérieur »). C’est-à-dire que les comics ne nous proposent pas un monde au-dessus, qui dépasse les normes admises mais une plutôt l’exaltation d’une vision masculine du monde.


Observons d’abord le costume des super-héroïnes : c’est en général une tenue qui met en valeur les aspects d’une physionomie généreuse : body échancré et corset sexy.

 

La super-héroïne est la représentation physique de l’hyper femme, sorte de canon de sa décennie.

 

 

Wonder Woman, avec sa taille de guêpe et ses hanches marquées, incarne l’idéal féminin des années 50.

 

On retrouvera cette féminisation de la tenue pour une héroïne, de jeu vidéo cette fois-ci : Lara Croft.

 

Archéologue, arpentant le monde et bravant tous les dangers, elle porte une arme, un tenue kaki qui rappelle la couleur des tenues militaires de camouflage. A la différence qu’au lieu d’un treillis et d’une veste, elle porte un short court et un bustier. Ainsi même si les auteurs lui prêtent des attributs considérés comme masculins, elle n’échappe pas à une représentation sexiste.

 

Alors qu’on imagerait difficilement Rambo en short et débardeur moulant…

Côté homme, bien que souvent prêt du corps (pour exemple les collants bleu moulants de Superman ou Spiderman), le costume est plus habillé.

 

A part bien sûr Hulk, mais ce n’est pas de sa faute : quand il s’énerve son pantalon devient un short de plage.

Autour des super-héros, il y a différentes figures de la femme.

L’image maternelle telle May Parker, la tante de Peter Parker, allias Spiderman, qui l’élèvera avec son mari après le meurtre de ses parents.

Ou encore Martha Kent, la mère adoptive de Superman. Ce sont des figures douces et rassurantes pour le Super héros.

Autre figure, la petite amie du super-héros. Comme Mary Jane Waston pour Peter Parker ou Loïs Lane pour Clark Kent.

 

Les femmes ont alors une place d’adjuvantes plus qu’elles ne participent à l’action. Par les liens affectifs qu’elles ont avec leur super-héros, elles sont souvent les victimes des super-vilains.

 

Elles sont là pour être protégées par le héros ou le rassurer quand il est pris de super doutes existentiels.

 

On ressent à travers ces représentations, un modèle ancien de la place des femmes dans la société, version femme parfaite des années 50. Genre science-fiction, vision passée du genre féminin.

La super-héroïne est parfois une version féminine du super- héros : Batwoman, Spidergirl, Lyra ( She-Hulk). La femme invisible, allias Susan Richards, est l’épouse de Mister Fantastique.

 

Jean Grey, est une sorte de double féminin du professeur Xavier, fondateur de l’école des X-Men. Il cherchera, vainement, à contrôler les prodigieux pouvoirs destructeurs de sa protégée qui deviendra Phoenix.

 

Superwoman, elle, n’est autre que Loïs Lane, qui en 1947, fit sa première apparition. Elle passe du statut de petite-amie à protéger à celui de partenaire dans l’affrontement des super-vilains. Remarquable évolution.

La super-héroïne possède généralement des pouvoirs liés à sa force mentale, à son rapport surnaturel aux choses ou à des accessoires :

Jean Grey et Tornade, membres des X-Men , sont respectivement douées de télépathie et de télékinésie pour l’une et du pouvoir de contrôler les éléments naturels pour l’autre.

Wonder woman, ambassadrice de la planète des Amazones, possède un vaste arsenal d’accessoires pour combattre les ennemis du bien.

Mystic, autre X-men, a le pouvoir de se transformer en n’importe qui (autrement dit elle est métamorphe). Sa fille adoptive, Malicia, absorbe l’énergie vitale de ceux qu’elle touche. Ce qui complique notamment ses relations avec son petit-ami : Gambit.

Sans oublier, la super-vilaine, Poison Ivy, capable de manipuler les toxines et de fabriquer de redoutables poisons contre lesquels elle est immunisée.

La force physique peut aussi être un pouvoir de super-héroïne. Comme pour Elektra, sorte de ninja femme ou Lyra, la version féminine de Hulk.

 

On peut rester sur une vision plutôt machiste des personnages féminins dans l’univers des super-héros. Mais cet univers est également apprécié par un grand nombre de lectrices.

Ainsi, il peut y avoir une adéquation entre la représentation, la projection masculine de la femme dans un univers fictionnel et la volonté d’un dépassement des genres tels qu’ils sont habituellement figurés. L’un n’exclut pas l’autre car les personnages de comics sont en continuelle évolution grâce à la multitude des scénarii.


BONUS


 

De l'affirmation de la virilité dès l'enfance,

de la théâtralisation que cela suppose,

de la duplicité de tout déguisement (homme/femme, fort/faible),

de l'association étonnante puissance et violence- femmes,

de son détournement par les gays et lesbiens, il se joue dans ces images des narrations et du pouvoir bien plus que de papier !