D'un passionnant parcours sur l'enfant au cinéma, ce livre devient une réflexion sur la nature et la culture, le jeu appris ou le comédien "inné",  sur
l'apprentissage et le don.

 

Un retour sur l'origine de ce livre "L'enfant Acteur. De François Truffaut à Steven Spielberg et Jacques Doillon.



Franck Senaud: Nicolas LIVECCHI, vous publiez un passionnant l'enfant acteur" chez Impressions nouvelles. Quelles images/envies ont initiés ce livre?

Nicolas LIVECCHI:

Voici donc un assemblage de 15 images, qui ont chacune joué un rôle essentiel dans le parcours de ce livre : vous y reconnaîtrez des séquences matricielles, des visages incandescents, des situations clefs, des cinéastes phares et des films cultes.

 

1. Michael Humphreys et Hanna Hall dans Forrest Gump (Robert Zemeckis, 1994)

 

2. Jennifer Connelly et Scott Tiler dans Il était une fois en Amérique (Sergio Leone, 1984)

 

3. Haley Joel Osment et Tom Hanks dans Forrest Gump (Robert Zemeckis, 1994)

 

4. Dakota Fanning dans La Guerre des mondes (Steven Spielberg, 2005)

 

5. Scarlett Johansson dans L’Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux (Robert Redford, 1998)

 

6. Keisha Castle-Hugues dans Paï (Niki Caro, 2002)

 

7. Natalie Portman dans Léon (Luc Besson, 1994)

 

8. Sara Forestier dans L’Esquive (Abdellatif Kechiche, 2004)

 

9. Rebecca Liljeberg et Alexandra Dahlstrom dans Fucking Åmål (Lukas Moodysson, 2000)

 

10. Hanna Hall dans Virgin Suicides (Sofia Coppola, 1999)

 

11. Leo Fitzpatrick et Justin Pierce dans Kids (Larry Clark, 1995)

 

12. Emma Watson et Daniel Radcliffe dans Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban (Alfonso Cuarón, 2004)

 

13. Martin Loeb dans Mes petites amoureuses (Jean Eustache, 1974)

 

14. Pascale Bruchon et Grégory Desmouceaux dans L’Argent de poche (François Truffaut, 1976)

 

15. Madeleine Desdevises et Claude Hébert dans La Drôlesse (Jacques Doillon, 1979)

FS: Magnifique point de départ. Votre point de départ de recherche (il s'agit d'une thèse ? d'une commande d'éditeur?) c'est le cinéma ? ou la représentation des enfants ?

NL: À la base de ce livre, il y a effectivement un mémoire de thèse soutenue en mars 2008, fruit d’un travail de cinq ans, et dont le titre complet était Le Jeu d’acteur chez l’enfant et l’adolescent. De "L’Argent de poche" à "L’Esquive", le cinéma contemporain dans les pas de Steven Spielberg et de Jacques Doillon. Le livre est une version actualisée, récrite et très condensée de ce mémoire – qui comptait trois tomes à l’origine et était agrémenté de longs entretiens avec Jacques Doillon, Claire Simon, ou encore Emmanuelle Bercot.

 

Derrière ce sujet, j’avais d’abord l’ambition de dresser un état des lieux du cinéma qui m’avait construit (et dont les 15 images ci-contre offrent un bel aperçu), en l’inscrivant dans des questionnements fortement contemporains, et en établissant des passerelles que je voulais à la fois inédites et personnelles. Dans un espace de réflexion aussi cloisonné que le milieu universitaire, il y avait en effet quelque chose d’assez jouissif – ainsi sans doute qu’une légère part de provocation – à lier de la sorte Spielberg à Doillon ou à Kechiche. (Entre parenthèses, il va sans dire que le couronnement à Cannes en mai dernier de "La Vie d’Adèle" par Spielberg a représenté pour moi un moment d’émotion très particulier…)

Et puis, cette thèse était elle-même le prolongement logique d’un questionnement amorcé au cours de mon année de DEA, notamment lors d’un travail au cours duquel je m’initiais à l’analyse actorale. Il s’agissait d’une étude comparée des premiers films des jeunes comédiennes Winona Ryder et Natalie Portman (cette dernière sortait alors à peine de l’adolescence), à travers laquelle je tentais de discerner comment ces actrices précoces avaient progressivement acquis des techniques de jeu, et en quoi celles-ci différaient. De manière assez drôle, je parvenais d’ailleurs aux mêmes conclusions que Darren Aronofsky dans "Black Swan" quelques années plus tard : la première en imposait d’emblée par sa présence et sa spontanéité, quand la seconde souffrait au contraire d’une trop grande technicité…

Mais si ce sujet d’étude s’est imposé aussi fortement en moi, c’est qu’il est également la conséquence d’un parcours beaucoup plus personnel. J’ai moi-même fait pas mal de théâtre à l’enfance et à l’adolescence, et pour moi cet âge-là a toujours été lié d’une manière ou d’un autre au jeu d’acteur. Au cours de mes années d’études, j’ai ensuite exercé diverses activités en rapport avec l’enfance et l’adolescence – par exemple comme animateur d’un atelier vidéo pour lycéens. De manière toute naturelle, dès lors que j’ai commencé à réaliser des films amateurs, je me suis très vite retrouvé confronté au défi de diriger de jeunes comédiens. J’ai entre autres réalisé un court-métrage amateur de 26 minutes qui a été pour moi un vaste champ d’expérimentations – et dont le titre, "Léa", a plus tard donné son nom à la structure de production que j’ai créée avec mon complice Nicolas Descalles. C’est ce film qui, sans aucun doute, a été le véritable déclic de la thèse qui a suivi.

 

Ni la thèse ni le livre n’existeraient d’ailleurs s’il n’y avait derrière tout ça un projet de cinéma bien défini. Et sans doute que certaines parties du livre, ou certains rapprochements, ne trouveront sens que le jour où je parviendrai à concrétiser – du moins je l’espère – certains films que j’ai depuis longtemps en tête. Pour le moment, je reste sur le terrain de l’expérimentation. "Richard aux yeux bizarres", mon premier court-métrage professionnel, repose ainsi entièrement sur les épaules d’un enfant trisomique de dix ans. Quant au dernier, "Lettre d’un père à sa fille", il m’a offert une première occasion de travailler avec de jeunes actrices déjà expérimentées puisque les deux comédiennes principales, Pauline Acquart et Jeanne Disson, ont toutes deux été révélées par Céline Sciamma, dont je suis bien sûr un grand admirateur.

16. Amaury Priour et Pauline Aumeunier dans Léa (2002)

17. Marguerite Boyer dans Richard aux yeux bizarres (2009)

18. Jeanne Disson dans Lettre d’un père à sa fille (2013)

Nicolas Livecchi est invité vendredi 4 octobre au Ciné 220 de Brétigny.

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