CABRERO. Géolocaliser son quartier

Théo Cabrero égaré à brest sans son gps

Géolocalisation participative, réalité augmentée artistique, Théo CABRERO met du GPS dans la pédagogie et ça change l'histoire et la géographie des quartiers d'Evry.

 

Des questions pour se repérér dans ces projets innovants de e-inclusion.

 



Franck Senaud:

pourquoi dans le projet e-inclusion avoir choisi comme un des items la gélocalisation ?

 

Théo Cabrero:

La géolocalisation est en réalité un thème, ou un objet, qui a été proposé dans notre appel à projet e-inclusion. L'objectif est de faire découvrir à nos participants des objets populaires et d'en montrer leurs usages, les pratiques que ces derniers suscitent, et ce de manière interactive et ludique.

 

Nous nous adressons à un public dit "éloigné de la culture et des objets numériques". De fait, la géolocalisation participative nous a semblé être une entrée intéressante. Nous sommes dans une thématique qui peut parler à tout le monde : s'exprimer sur son territoire, sur son quartier, sur des lieux qu'on affectionne, des lieux qu'on redoute, etc.

Tout le monde a quelque chose à dire ou à raconter sur sa ville... Nous proposons ainsi des outils pour communiquer ses histoires personnelles ou collectives.

FS: sur quelles thématiques plus précisément ?

 

TC:

L'association Préfigurations travaille depuis sa création sur le lien "art / ville". C'est pourquoi elle a mise en place une application au nom de son festival "Villes & Toiles", application qui permet de se géolocaliser par le biais d’œuvres d'art ou architecturales. C'est ce que nous appelons de la "réalité augmentée artistique".

 

Nous nous sommes reposés sur cet outil nouveau et singulier pour concevoir nos ateliers e-inclusion : on cache des flascodes dans la ville et les participants doivent les retrouver à l'aide de leur téléphone ou tablette, sous forme de chasse au trésor (par exemple). Mais ils peuvent également participer à la conception de cette chasse au trésor, en trouvant eux-mêmes les œuvres, en les géolocalisant, en les documentant, en créant des énigmes, pour ensuite être à l'origine de nouvelles pages.

 

Le numérique rend ainsi ludique et interactif un objet qui peut être vu comme rébarbatif. Tout d'un coup on demande à des enfants de se servir d'un téléphone portable pour se repérer dans la ville et pour découvrir de nouvelles choses. C'est à la fois amusant et pédagogique.

C'est l'axe de travail du programme e-inclusion."

 

FS:

Sur quoi les enfants accrochent-ils en premier ? le rapport à leur quartier ou de la technofascination ?

 

TC:

 

 

"Il faut être honnête : c'est le dispositif qui rend le contenu "séduisant" et interactif. Je ne sais pas si une simple balade commentée dans la ville aurait eu le même impact auprès du public visé...

 

 

 

Cette application place le participant au cœur du parcours, car il doit trouver le flashcode grâce aux indices transmis et grâce à la signalétique urbaine, utiliser un outil pour découvrir le nouveau contenu... Bref, une fois l'objet ou l’œuvre repérée, un jeune enfant ou un pré-adolescent écoute (en général) plus facilement nos explications. Et on présente cela comme une sorte de "récompense".

 

 

 

Toutefois, le rapport à son quartier, ou plus globalement à sa ville, est un enjeu très important. C'est pour cela que nous mettons en place des ateliers où ce sont les participants qui créent les contenus de l’application. C'est un travail et un investissement personnel, qui va du repérage à l’administration technique, en passant par la documentation.

 

 

 

Mais encore une fois, mettre au centre du dispositif un outil technologique populaire et connu de tous permet une identification plus spontanée à la démarche proposée."

 

FS:

 

Tu reviens du forum coopératif de Brest. Quels retours as-tu eu sur ce projet ?

 

TC:

 

C'est la première fois que je me rends à ce forum, très bien organisé et très riche sur les questions relatives au travail collaboratif. Il fait dire que c'est un sujet d'actualité.

Brest est un territoire qui est déjà très au point sur le travail d'e-inclusion. C'est un projet qui est en place depuis maintenant quelques années, projet soutenu par la ville. De fait, il était question de bilan d'action, d'analyse sur l'"utilité sociale" du projet en question... Choses qui demandent du temps, des expérimentations, de l'expérience de terrain en somme.
De notre côté, l'action e-inclusion est encore "jeune", dans le sens où nous venons à peine de construire des groupes stables et d'établir un contrat de confiance avec les structures partenaires. Car l'e-inclusion c'est aussi du rapport humain, du dialogue, de l'adaptation. Et ceci peut prendre du temps.

Toutefois, ce que je trouve intéressant de noter (et ce qui a permis de sensibiliser de nombreuses personnes à notre projet), c'est que nous sommes les seuls à proposer des actions autour de la sensibilisation aux arts numériques, via des objets populaires. En effet, beaucoup de structures travaillent sur de l'outillage, sur de l'équipement, sur de la formation à des outils informatiques et mobiles. Mais l'axe de la "découverte" et de la réappropriation d'objets de consommation ou d'expression semble être un critère singulier à notre projet. Ce qui m'a permis de construire de nombreux échanges, de dialoguer sur nos expériences respectives, nos réussites, nos échecs...

De fait, ce forum m'a permis de situer notre projet parmi d'autres, ce qui est un exercice enrichissant et formateur. La principale leçon que j'en ai tiré est que ce travail prend du temps et qu'il faut l'analyser, le commenter, le documenter. C'est une mission à la fois riche et complexe, parfois ingrate, mais toujours passionnante. Et c'est ce qui est ressorti des différentes sessions de travail.