BLANDIN ESTOURNET 2. Place de l’Agora, place de l’autre ?



Un projet artistique ou culturel ne peut plus se penser, se proposer, se développer « hors sol », sans un ancrage localisé. Cette prise en compte initiale du contexte se traduit par des modalités de montage, de positionnement ou d’organisation, dont la clé de voute réside dans l’échange effectif entre des projets artistiques ou culturels et leur territoire ou population. Les modalités de régulation de cette nécessaire confrontation sont autant de mises en œuvre de transformations négociées, donc discutées (émises et entendues), partagées (acquises et cédées), intégrées (capitalisées et apportées)…, proposant alors des projets situés.

 

Ainsi, le projet actuel de la scène nationale d’Evry s’appuie sur quelques-unes des caractéristiques du contexte évryen Il propose de les objectiver afin de les aborder pleinement, sans jugement de valeurs. A titre d’exemples :

 

Une population jeune : Même avec des variations selon les sources sollicitées, la moyenne d’âge du territoire évryen reste inférieure à 30 ans, soit loin des 40 ans de la moyenne nationale. Avec autant d’écoles primaires que des villes démographiquement plus importantes (cf. Rouen), la question de la jeunesse est un enjeu central des politiques publiques locales. Depuis trois ans la proposition de spectacles, dits « jeune public » a été augmentée de plus de 50%, avec un taux de remplissage supérieur à 90%. Cette réflexion sur la jeunesse ne se limite pas au jeune public, elle a aussi pris en compte la population adolescente soit en termes de programmation : cultures urbaines, musique, arts et sports… ; soit en dispositifs d’accueil : collégiens et lycéens voient les spectacles en soirée, lors de représentations « tout public ». ). Enfin l’attention portée à l’accueil des jeunes parents est un sujet de vigilance.

 

Des origines culturelles diverses et métissées : Pour de la construction de chaque saison, une attention est portée à ce que la programmation traduise des diversités en écho avec le territoire. Si le champ du spectacle vivant présente un réel déficit en la matière, il faut distinguer le théâtre nettement moins actif en la matière que la musique ou la danse. De même convient-il d’éviter les écueils de l’amalgame (cultures du monde) et de la stigmatisation (cultures urbaines). Ainsi une programmation de diversités doit témoigner d’un engagement en écho avec la réalité de la culture mosaïque évryenne.

 

Des populations éloignées des formes de culture institutionnelle : La mise en œuvre de projets d’implication des habitants permet une approche renouvelée et plus apaisée à l’art. Les mutations de la création artistique dans son ensemble, les modifications fondamentales de la production et de la diffusion de la connaissance, se sont accompagnées de recompositions profondes et durables du rapport entre le citoyen et l’œuvre ou le savoir. Davantage qu’un simple effet de forme, ces nouvelles situations proposent un autre rapport sujet / objet, dont l’interactivité semble un principe fondamental. L’implication individuelle se retrouve aujourd’hui autant comme principe de travail, résultat d’une œuvre, que comme organisation d’une société de la connaissance. Les projets d’implication sont des œuvres réalisées avec ou à partir des habitants, selon des modalités différentes : collecte, construction, jeu… Ces protocoles jouent comme un formidable révélateur poétique ou ludique. Dans ce genre de démarche les qualités de direction artistique sont aussi importantes que celles de dialogue et de disponibilité auprès des habitants.

 

Des territoires pauvres : Prenant en compte les réalités économiques dégradées de nombreux quartiers d’Evry, la scène nationale a porté des choix forts de billetterie ou de conditions tarifaires, afin de limiter au maximum les freins budgétaires (plein tarif 2017, à hauteur d’une place de cinéma : 11€, place jeune public 4,50€ ou abonnement découverte à 18€ pour 3 spectacles)….

Photo Mathieu MIANNAY
Photo Mathieu MIANNAY

A Evry, avec une incandescence particulière, l’édification de la ville sociale est traversée de questions sociétales plus larges : quelle entreprise de fraternité imaginer ? quel goût commun de l'avenir esquisser ? quelle(s) identité(s) culturelle(s) fabriquer ? Ce combat exige la responsabilité et l’engagement de tous et de chacun.

Quelle place y prendrons-nous : urbanistes, militants associatifs, opérateurs culturels,… citoyens ?