UNE VILLE : LYON, SES MAISONS, SON FLEUVE


Agnes HERRERA
Agnes HERRERA

Bertrand Tavernier

 

Le plus superficiel, ce qu’on appelle l’atmosphère, c'est-à-dire le brouillard, les pavés humides qui existent , il y a beaucoup de livres qui se passent dans le Nord et c’est au bord de canaux et ça existe mais je trouve que ça c’est l’apparence en fait Simenon c’est quelqu’un qui s’intéresse surtout à ce qu’il a appelé l’homme nu c'est-à-dire d’atteindre les sentiments, quand les individus sont dépouillés du vernis de la civilisation et des apparences , il en parle aussi bien dans ses romans africains que dans des romans qui se passent aux Etats Unis et où il n’y a pas de brouillard , en Afrique non plus , que dans les livres qui se passent dans la Flandre ou dans la France du Nord et donc j’avais envie de montrer que je n’avais pas besoin de la bruine et des pavés humides pour retrouver le monde de Simenon.

 

Ce dont parlait Simenon c’était quelque chose de plus profond et de plus secret que ça et donc ça me plaisait de tourner dans une ville qui est très secrète très Simenonienne en elle même qui est vraiment une ville où on se cache, c’est une ville d’ombre et de mystère

 

Franck Senaud : Que vous aimez ?

 

B.T : que j’adore, même si grâce à » l’horloger » elle a changé puisque la vision du film tout d’un coup a fait prendre conscience qu’il y avait un côté italien, Lyon était au départ une ville italienne , beaucoup de maisons étaient des demeures de banquiers florentins et tout cela avait disparu au cours des siècles et le film a fait prendre conscience de ça aux élus Lyonnais qui ont décidé une grande campagne de rénovation notamment de toutes les maisons qui sont sur les bords du Rhône et de la Saône

 

 

 

F.S : qu’on a rénovées ?

 

 

B.T : Oui, mais à l’époque ça n’y était pas encore , il y en a encore beaucoup qui sont encore grises , on n’a pas cherché à retrouver les couleurs d’origine , maintenant on a retrouvé les couleurs d’origine et d’ailleurs j’ai filmé pendant une semaine de vacances les mêmes endroits et en une semaine les quais ont radicalement changé, il y a des couleurs beaucoup plus belles donc je suis un peu responsable d’avoir transformé une ville .

 

Voilà ….Je l’ai appris longtemps après ! J’aurais pu demander une récompense, pour être sérieux c’est un des adjoints à la mairie de Lyon qui me l’a dit « vous savez cela a été discuté , c’est en se basant sur votre film qu’on a décidé de changer tout l’aspect des maisons au bord du Rhône et de la Saône »

 

 

F.S : et puis il semble aussi que vous ayez pris le parti de ne pas filmer un Lyon disons touristique….

 

 

B.T : J’ai essayé de filmer le Lyon de mon enfance. Les gens vont dans tous les lieux où j’allais quand j’avais cinq , six, sept ans .Entre la maison où je suis né qui est à Montchat, là où Philippe Noiret va retrouve la nourrice de son fils, ça c’est la maison où je suis né, le parc de la Tête d’Or qui était mon lieu de promenade favori , les bords de la Saône ou les bords du Rhône, j’y allais tout le temps tout le temps .

 

Et les passerelles aussi , j’aimais beaucoup, j’ai exclusivement filmé ce que j’aimais, ce que j’avais regretté de perdre quand mes parents s’étaient installés à Paris , l’horloge de la cathédrale Saint Jean, le nombre de fois où j’ai pu aller voir les personnages s’animer …

 

 

F.S Le fleuve compte beaucoup dans Lyon mais il compte beaucoup dans votre travail : dans votre travail il y a assez souvent de l’eau

 

B.T :Oui , j’aime énormément et j’ai presque toujours choisi dans les lieux où j’ai tourné des villes ou des petites agglomérations avec une rivière ou un fleuve ou un canal ça c’est vrai .

 

 

F.S : ça tient à quoi ?

 

B.T : à mon enfance là encore, j’ai été marqué par le Rhône , vraiment c’est un fleuve qui m’a impressionné et d’une façon la Saône aussi qui était beaucoup plus calme beaucoup plus nonchalante, mais le Rhône ça faisait peur, maintenant il est domestiqué, quand j’avais six sept ans il l’était beaucoup moins et les tourbillons du Rhône étaient hyper impressionnants donc j’ai été marqué par ça et donc dès qu’il y a un fleuve ou une étendue d’eau moi je suis heureux dans un film.

 

Oui et j’ai même choisi à un moment Verdun, on passe d’un cours d’eau au théâtre, c’est le premier plan de Verdun, dans "La vie et rien d’autre" dans beaucoup beaucoup de films…


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