ROSENSTHIEL. Entretien4. LE CONCEPT PHILOSOPHIQUE EST LE RETRAIT

 

Le principe de sortie du labyrinthe est utilisé en informatique et il a un sens puissant en philosophie. Le lien dans le temps et la géographie de Rosenstiehl.



LE CONCEPT PHILOSOPHIQUE EST LE RETRAIT

FS : Tu veux dire que ton rapport au réseau n'était pas spécialement dans ton travail ou dans tes publications avec le labyrinthe? Le labyrinthe c'est une obsession personnelle ?

 

Pierre Rosentiehl : Non, il ne faut pas exagérer. Le concept philosophique est le retrait : l'enfant reprend ses pas. Le retrait est un concept bien connu en informatique : le back facking. Ca veut dire que quand tu énumères quelque chose tu t'intéresses à ta liste à rebours. Pourquoi ? Jusqu'où ? Dans l'idée de labyrinthe, ce qui est génial c'est qu'on pratique un retrait jusqu'au premier point où l'on va pouvoir de nouveau aller de l'avant. De façon générale, il s'agit d'une opportunité. Le retrait va revenir sur ses pas, mais pas trop, juste un peu, jusqu'au moment où une nouvelle occasion se présente d'aller de l'avant.


Pierre Rosenstiehl

FS : Ton goût de touriste pour les labyrinthes t'a fait faire un rapprochement avec ce que tu faisais ?

Pierre Rosentiehl : Oui bien sûr.

FS : Et qu'est ce que tu faisais à Chartres à regarder des labyrinthes?

Pierre Rosentiehl : J'ai regardé la profusion de documents qui existaient à ce sujet, ça excite beaucoup de gens. Mais je me suis demandé où est ce qu'il y avait des idées force, au contraire qu'est ce que c'était cette profusion de dessins de n'importe quoi ?

 

Par exemple, le « Crétois » a été imité par un certain nombre de dessinateurs, mais ça n'a aucun sens. Il n'y a pas du tout la dualité du départ. C'est çà qui est émouvant, c'est de « comprendre », d'apercevoir qu'un dessin, le graffiti crétois, peut être était-ce une œuvre collective, en tout cas elle a été transmise, accueillie, redessinée par des scribes, des gens nombreux. Les Grecs s'en sont emparé, ils ont frappé de la monnaie, la Royauté crétoise était très à l'honneur. Ils ne faisaient qu'évoquer la période archaïque. Mais on va retrouver ce dessin, il va être fidèlement reproduit comme le dessin magique, parce qu'il contient probablement beaucoup d'intuition.

 

Je sens que les crétois ont mis le doigt sur ce qui était bardé de signifiance.

Coussin asiatique. Collection Rosenstiehl

FS : Tu as l'air de donner une vie biologique aux idées qui disparaissent et apparaissent.

Tu dis dans une note 13 : « Le fil d'Ariane en tant que processus, outre-atlantique, a pris le nom de « depth search », en français « recherche en profondeur ». Tu sembles dire que les Américains ne veulent pas reconnaître la paternité aux Minoens.

Est ce qu'ils étaient au courant ? Est ce que c'est toi qui fait ce lien avec les Minoens et, voyant ce grand écart, montre du doigt qu'on perd la mémoire et que la taupe est enterrée, ou est ce que tu te moques des Américains qui veulent toujours avoir l'impression d'inventer quelque chose de nouveau? Ta note dit quelque chose de l'histoire des idées entre celui qui invente et celui qui retrouve.

 

Pierre Rosentiehl : Je pense qu'il y a certainement dans la recherche mathématique pure, une telle difficulté à mettre en œuvre ses propres idées...

Il y a toujours cette tension de créer des nouveaux concepts, de faire son propre légo. C'est vrai qu'on oublierait volontiers la pagaille des textes sur lesquels on repose. On préfère y reposer inconsciemment que consciemment car c'est un trop gros effort de mettre à jour.