ENTRETIEN 2.


Agnès ROSENSTIEHL spécialiste de Rimbaud, lectrice de Van Gogh, Nietzsche.. mange du langage, n'a peur de rien !


Photo Senaud

J’ai également fait un papier sur ce qu’on appelle « La Pêche spirituelle », fameux poème perdu de Rimbaud que tout le monde cherche. J’avais été chercher chez Baudelaire, et effectivement ça donnait quelque chose : typiquement ces espèces d’images dingues que sont les illuminations.

 

FS : en même temps quand vous faites ça c’est déjà… presque une création !?

 

 

AR : ah oui ! (sourire) C’était d'un culot monstre parce qu’à chercher…  c’était très iconoclaste, enfin moi je peux me le permettre je m’en foutais. Je n'ai pas une position universitaire à défendre donc ça m’était égal, alors ça a fait son potin.

 

Ensuite de quoi, j’ai comparé les vies incroyablement parallèles, un an de différence à la naissance et 1 an de différence à la mort, contemporains absolus qui ne se sont jamais croisés : Van Gogh et Rimbaud.

Il y a un paradoxe, il y en a un qui, petit génie à 12 ans, fait des vers latins à tout va, à 17 ans… L’autre c’est le contraire, il s’y met très tard, et en 3 ans il crache toutes ses œuvres. Puis ensuite il y a une misère , une torture mentale, qui est éminemment terrible.

FS : Vous leur trouvez des points communs forts ?

 

AR : 

Une espèce de désespoir, et en même temps… de l’humour, et puis cynique, en même temps que généreux, une nature très très riche.

J’ai vu une comparaison étonnante, c’est Verlaine à côté de Rimbaud et Gauguin à côté de Van Gogh, accroché à un grand, tout de suite, vivant avec.

Il y a bien sur le coupage d’oreille de Van Gogh et il y a le poignet fendu par la balle par Rimbaud. Alors, d’accord c’est un peu du sensationnel pour Paris Match mais c’est quand même intéressant.

 

FS : 

Ce qui fait un lien avec ce qui vous intéresse, je crois comprendre, chez Van Gogh et chez Rimbaud, il y a aussi une espèce de jeu avec les poncifs visuels, avec les images, et même l’imagerie.

 

AR : 

Ah oui, complet ! Iconoclaste ! Tout à fait. Et puis il y a chez Van Gogh un réel talent d’écrivain. Rimbaud c’est un croqueur.

Donc c’était intéressant de voir les analogies et les différences majeures qui sautent au nez. Dans la mesure où ils étaient contemporains, ça devient intéressant.

J’ai donc fait  un quatrième article. Ces articles sont parus dans une petite revue tirée à 500 exemplaires qui s’appelle la revue rimbaldienne. Il y en eu deux autres, sur le son, la musique (ma formation est musicale), et un article sur un frère total, contemporain, analogie d’anathèmes: Nietzsche.

Du même coup, dès que je me mets à piocher, plus je pioche et plus ça m’intéresse. Alors j’étais mordue, j’ai adoré !

 

 

FS : Ce sont plutôt des gens/genres qui jouent avec la langue ou qui tirent les oreilles à la langue

On, s'éloigne d'une littérature plus classique que vous évoquiez comme premières lectures.…

 

AR : Non, ça c’est une lecture d’adulte, depuis que j’ai touché à Rimbaud, à une compréhension plus profonde que le plaisir à lire un livre épais. Les gens qui aiment lire aiment bien les grands classiques, j’ai lu tous les Henry James, les grands romans, j’ai adoré ça.

Mais à 40 ans j’ai compris autre chose : en mettant le doigt dans la poésie de Rimbaud, puis du même coup Verlaine, puis du même coup Baudelaire, puis ensuite Nietzsche, etc. J’ai lu spinoza, relu Montaigne comme je l’avais jamais lu. Aujourd'hui, c’est marrant je ne lis plus de roman !