BEDDIAR. Entretien. Osibo !

 

Comment l'idée de consacrer une boîte aux souvenirs d'enfance vient à jeune entrepreneur ? Et comment ce partage est aussi action de conservation ?

Un retour sur une entreprise pas comme les autres avec le créateur de Osibo.


Entretien Franck Senaud



Franck Senaud :

Vous collectionnez des images et objets des années 70/80 comment ce goût de conserver est devenu systématique?


Pierre Alek BEDDIAR:

J’ai toujours été fasciné par les objets, pas comme un collectionneur, mais plutôt comme un conservateur. Les objets liés au passé véhiculent de nombreuses émotions quand ils sont redécouverts plusieurs années après.


C’est ce qui s’est produit avec moi en 1998. J’étais déjà dans la vie active avec beaucoup de responsabilités. La vie d’adulte est quelque chose que l’on découvre au fur et à mesure et qui ne ressemble pas trop à la promesse que l’on nous fait quand nous sommes enfants. Je me suis toujours interdit de faire cette rupture fictive enfant/adulte qu’on nous impose et qui nous empêche, une fois adulte, de revivre ces fameuses émotions d’enfant qui me sont chères.

C’est en 1998, lors d’une promenade dominicale en vide grenier, que je suis tombé sur les peluches d’une série qui me fascinait étant enfant : « Fraggle rock ». C’est le flash-back complet, la douceur de vivre, l’insouciance, entouré de ses frères et sœurs, le goûter avec le chocolat chaud etc.


Depuis ce jour, je me suis intéressé à ces émotions et comment les déclencher, à l’importance du rôle de la nostalgie au quotidien pour souffler un peu.


C’est le début d'Internet, je commence à rechercher des personnes de ma génération et je découvre que je ne suis pas le seul à chérir mon enfance dans les années 70/80. Ma formation me permet de m’organiser et à rassembler rapidement des éléments liés au passé : jouets, disques, archives télé, objets du quotidien, bref tout ce qui peut évoquer des choses et déclencher des émotions. Mon objectif était déjà d’organiser des évènements de type exposition ou parler de cette époque dans les revues et autres supports afin de remettre en contact visuel notre génération avec des objets disparus, car liés au passé.


Le succès est immédiat, je rencontre mes futurs associés Arnaud MAGNIER et Lorenzo Vallée. Je créé une structure associative pour la gestion des projets, puis quelques temps plus tard, nous professionnalisons notre activité face à la demande croissante des sociétés qui souhaitent notre expertise sur le phénomène.

FS:

Quand avez-vous pressenti que cela allait devenir un phénomène profond, touchant des nostalgiques prêts à dépenser, passer du temps ?


PAB:

Dès le début des années 2000, ce sont les média qui popularisent le phénomène qu’ils nomment « Revival ». Nous sommes désormais identifiés comme adulescents ou kidultes ou carrément « génération régression ». Le phénomène n’est autre que la volonté de faire une parenthèse au quotidien pour supporter la vie d’adulte et active qui commence et qui est difficile.

Nous avons la chance d’avoir comme totem la télévision des années 70/80, avec tous ses programmes jeunesses, ses dessins animés, ses publicités. Nous n’avions que 3 chaînes : TF1, Antenne 2 et FR3. Nous sommes tous devant le même programme chaque jour. Nous en parlons dans les cours de récréation. A noël ou pour les anniversaires, nous réclamons des jouets à l’effigie de nos héros préférés : Casimir, Maya l’abeille, Albator, Goldorak etc…

Aujourd’hui, les trentenaires et les quadragénaires ont les mêmes références télévisuelles, cinématographiques, littéraires et ce, quelque soit le poste qu'ils occupent. Ils aiment tous parler de leur enfance et surtout partager les mêmes choses. C’est également une génération qui accepte volontiers de s’entourer de fétiches liés à leur enfance.

FS: Quels impacts ont eu vos actions sur le phénomène ?


PAB:

Depuis plus de 15 ans, nous avons rassemblé, archivé, répertorié, référencé des dizaines de milliers d'objets : produits dérivés, objets de la culture populaire, jeux de société, jouets, peluches, disques, appareils électroniques afin de constituer une banque de données unique en son genre.


Au milieu des années 2000, de par notre expertise et la qualité de nos projets, les auteurs que nous avons rencontrés nous ont fait confiance et nous ont permis d'avoir accès et de conserver dans nos locaux des documents originaux, marionnettes, croquis, dessins, puis de gérer leurs licences. Nous sommes maintenant gérants de plus d'une trentaine de héros de la télé des années 60/70/80 : Brok et Chnok, Ploom la chenille, Sibor et Bora, Balthazar le mille-pattes...


Aujourd'hui, avec Osibo Productions, notre objectif est de valoriser et de permettre à tous nos personnages de revenir sur le devant de la scène grâce à nos actions. Par exemple, nous avons réussi à faire produire par Moving Puppet la nouvelle série de Gribouille qui arrive à la télé en février 2015.

Pour les 40 ans de L'île aux enfants, nous avons édité avec Hors Collection le livre officiel de L'île aux enfants, distribué dans toute la France et les pays francophones et développé une gamme de produits en majorité Made in France. Nous voulons valoriser les licences avec des objets très qualitatifs comme des bijoux en argent, des statuettes, des carrés de soie, des clés usb; produits plébiscités par toute la génération de trentenaires et de quadragénaires. Notre prochaine étape est l'ouverture de notre boutique en ligne en 2015.


L'aventure débutée il y a aujourd'hui plus de 15 ans endosse désormais la mission de sauvegarde du patrimoine culturel télévisuel français au travers d'expositions que nous développons, de livres que nous écrivons, d'une gamme très variée de produits dérivés que nous inventons, toujours dans le respect de l'oeuvre originelle et des ayant droits.


Retrouvez-le à l’Espace Déclic 10, rue Aristide Briand - Étampes - présente : NADINE FORSTER

EXPOSITION DU 6 DÉCEMBRE 2014 AU 10 JANVIER 2015

Vernissage le vendredi 5 décembre, à partir de 19h

www.espacedeclic.com