Pascale MONTANDON. La Danza de la Realidad. Rencontre

 

 

Pascale MONTANDON-JODOROWSKY est artiste, peintre d'un signe retenu et de la couleur, compagne et complice de Jodorowsky. Elle a réalisé des dessins avec lui, exposé, crée des décors et costumes.

Elle a accompagné la réalisation de son dernier film, 25 ans après le précédent au fin fond du Chili. elle en a écrit un magnifique livre sur son parcours, unique témoignange de ce voyage fou dans la géographie et dans le temps. Un film si fort.

 

Elle nous parle de son travail sur la couleur et les costumes du film "La danza de la realidad".


Copyright Pascale MONTANDON JODOROWSKY

Franck SENAUD:

Peut-on commencer par la fin du livre, le film:

comment as-tu préparé les costumes du film ? Des dessins abstraits ? ou des scènes précises ?

 

Pascale MONTANDON-JODOROWSKY:

Le fait que j'allais créer les costumes de La danza de la realidad n'était pas quelque chose de décidé à l'avance.

Alejandro et moi savions juste que je devais être à ses côtés pour vivre cette aventure avec lui sans savoir exactement que j'aurais un rôle dans la création de son film.

 

Concernant les costumes, en fait, au début il pensait qu'il allait les dessiner lui-même, tout du moins les imaginer et qu'il les ferait réaliser. Parce que dans tous ses films, il intervient dans absolument tous les aspects de la création.

Durant la première réunion de préparation du tournage, il a proposé que je dessine quelques costumes selon ses propres directives, parce que l'idée que je participe au film lui plaisait et parce que nous avions l'habitude de travailler ensemble.

Il fallait aussi que les dessins soient clairs et lisibles pour l'équipe chargée de la confection.

Il me donnait des indications, parfois me faisait de succincts schémas que je traduisais et développais… et puis au fur et à mesure il me laissait plus de liberté ainsi que le choix des couleurs et des tissus… jusqu'à me laisser créer seule certains personnages et il finit par me laisser la direction artistique des costumes. Mais je respectais toujours ses idées et ce qu'il voulait exprimer des personnages.

J'étais totalement au service de son œuvre.

Nous avions un accord tacite moral, je devais le faire si cela était utile au film, et non par privilège ou par confort parce que j'étais sa femme.

 

Nous sommes donc partis au début directement des personnages et de ce que nécessitaient les scènes, mais rapidement j'ai pensé l'ensemble des costumes comme une globalité, notamment en terme de couleurs, pour créer rythme, contraste et intensité à l'ensemble visuel du film comme s'il s'agissait d'une vaste toile, mais aussi et surtout pour en exprimer le contenu émotionnel ou psychologique.

Copyright Pascale MONTANDON JODOROWSKY
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FS:

Ces précisions sur vos rapports apparaissent bien dans ton livre et c'est un de aspects passionnants de votre collaboration: cette confiance complète et dans le même temps cette pudeur de préciser les rôles de chacun.

Tu dis à la fois que les costumes ont été dessinés pour chaque personnage et dans une logique d'ensemble. Ceci ^peut sembler un paradoxe (ce qui n'est pas un problème d'ailleurs)

Peux-tu prendre un exemple concret de cela ?

As-tu dessiné des gammes de couleurs ou de vraies silhouettes ? sur quel support travailles-tu?

 

 

PMJ:

En disant que les costumes ont été dessinés pour chaque personnage, je fais référence aux indications de départ dans le scénario écrit par Alejandro, par exemple pour le costume de gala de pompier du petit Alejandrito, il s'agissait d'une reproduction du vrai costume d'Alejandro lorsqu'il était enfant, et pour lequel nous sommes partis d'une photo d'archives.

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Pour le costume de la petite femme bossue qui recueille Jaime devenu amnésique, j'avais plus de liberté mais il fallait bien entendu créer un costume correspondant à la condition physique et sociale du personnage… Même chose pour Jaime, il fallait que ses bras soient nus parce qu'à ce moment de l'histoire, sur ses bras devait être peint le drapeau chilien…

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En revanche lorsque je parle de vision d'ensemble je parle essentiellement de couleurs… Par exemple les costumes faisant partie du monde onirique de l'enfance d'Alejandrito sont plutôt dans des couleurs vives, ceux des clowns bien-sûr, le rouge du gilet du marchand de glace… J'ai demandé à ce que son chariot en forme de cœur qui avait été dessiné par Alejandro soit peint du même rouge…

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Pour que les couleurs circulent, qu'elles soient expressives il fallait qu'elles soient pensées dans leur ensemble…

Schématiquement le monde onirique de l'enfance était dans des couleurs vives, et ce qui correspond à la partie où Jaime part tuer le dictateur devait être dans des couleurs plus éteintes, plus réalistes d'une certaine manière, chaque détail participant à révéler l'ensemble, à le relever, le mettre en relief, en valeur…

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Toutes les couleurs avaient chacune leur valeur propre et une justification à la fois esthétique et psychologique, par exemple je trouvais beau l'idée que la famille, le trio constitué de Sara, Jaime et Alejandrito soit dans des couleurs froides, des gris colorés, des tons subtils, plus intérieurs…

Alejandro apparaît dans le film tel qu'il est aujourd'hui. Je lui ai donc créé un costume trois pièces, très sobre dans trois versions de matières et couleurs différentes: Noir et bleu obscur lorsqu'il apparaît aux côtés de lui même enfant, tout de blanc lorsqu'il vient empêcher Alejandrito de se suicider, et en noir et violet pour la scène de fin parce que ce sont dans ces couleurs qu'il est le plus souvent vêtu aujourd'hui…

Copyright Pascale MONTANDON JODOROWSKY
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A SUIVRE..A SUIVRE..A SUIVRE..A SUIVRE..A SUIVRE..