Entretien 3. LE PREMIER LABYRINTHE CRETOIS

 

L'application concrète de ce modèle crétois ou comment un dessin est nécessaire pour de grands desseins. Pierre Rosenstiehl, le 20e siècle des réseaux, Dassault Saint Quentin et Chartres. 



LE PREMIER LABYRINTHE CRETOIS

FS : Es-tu es le premier à voir cela ?

 

Pierre Rosentiehl : Il y a beaucoup de choses écrites sur les labyrinthes, toutes ces idées apparaissent plus ou moins dans le désordre. Mais l'idée m'est un peu personnelle si j'ose dire.

A l'autre bout de la chaîne, dans le XXe siècle, avec l'informatique, on va la retrouver, car l'univers du XXe siècle ce sont les réseaux, en physique comme dans la vie ordinaire. La notion de réseau va dominer. On va d'abord être un peu décontenancé.

 

FS : C'est acentré, on voit bien le problème que ça pose : le fouillis. On a l'habitude qu'une idée ou un système ait un début et une fin, il a un sens. Le principe du réseau se développe de proche en proche, on peut donc avoir l'impression que ça va s'emballer. C'est apparemment effrayant mais ce qui est rassurant c'est que se maintient une signification.

C'est le modèle mental qui change ?

 

Pierre Rosentiehl : Le fil d'Ariane va être une façon d'attaquer l'objet, de le réécrire.


Chartres

 

FS : Tu t'es d'abord intéressé à ce labyrinthe pour des raisons esthétiques ou parce que ton travail de mathématicien t'y amenait? Est-ce quelque chose de connu ? Le labyrinthe crétois est-il un poncif ?

 

Pierre Rosentiehl : Le labyrinthe crétois n'est pas un poncif. Les poncifs sont les labyrinthes de l'Eglise romane, du Moyen-Age chrétien, et les mosaïques romaines. Pour moi, ce sont des enfants du « Crétois ». Le « Crétois » a cette caractéristique d'avoir les deux choses imbriquées l'une dans l'autre.

 

A Chartres, il y a une telle qualité esthétique du dessin, du pavage, la courbe se frôle tellement, que les interstices n'apparaissent pas. A Saint Quentin c'est le contraire, le pavage blanc et le pavage noir ont la même largeur, quand tu regardes un objet, tu vois l'autre comme son propre fond. C'est lorsque l'on regarde ces caractéristiques qu'on voit que le « Crétois » est le père de tous.

Saint quentin

FS : Est ce en voyageant, parce que tu aimes l'art ou lors de ta carrière de mathématicien que tu as découvert cela?

 

Pierre Rosentiehl : Non il se trouve que j'étais dans un bain de réseaux et de problèmes très concrets. Je me suis intéressé à dessiner les plans des avions, après Chicago.

C'était du dessin, car on ne peut pas fabriquer quelque chose en usine sans dessin. Même si les objets sont abstraits au départ : il y a des câbles, des choses qui se touchent, il y a énormément de caractéristiques, les câbles peuvent être blindés par exemple. Tout cela s'écrit dans des listes informatiques.

Quand on va construire, il faut des plans, indispensables pour dessiner le prochain avion. Le plan dessiné sur du papier en deux dimensions doit l'être avec des éléments qui ne doivent pas être trop embrouillées, avec des choses qui se croisent en trois dimensions.

Tout cela pose des problèmes de dessin automatique assez retors.

 

FS :Tu veux dire de lisibilité ?

 

Pierre Rosentiehl : Oui pour le rendre lisible il faut avoir des algorithmes qui hiérarchisent les choses.

On a fait ça au laboratoire des Hautes études, on avait un contrat avec l'industrie de Daussault Systèmes. On a participé à maîtriser des réseaux absolument énormes où il doit y avoir absolument zéro faute.